Archéologie

Les fouilles archéologiques au Grand Hôtel du Cervin en 2021-2022 ont mis au jour une occupation agricole du lieu au premier âge du Fer, ainsi que des habitations datant de l’époque romaine.

Situé à une altitude de 1650 m, il s’agit à ce jour d’un habitat romain permanent parmi les plus hauts du Valais.

Des trouvailles aussi captivantes méritent d’être connues du plus grand nombre. C’est pourquoi, avec l’accord et la supervision scientifique de l’office d’archéologie du canton du Valais, notre association a fait réaliser un panneau didactique (80x140cm) qui, placé sur le site même des fouilles, a été inauguré le dimanche 7 septembre 2025.

Le contexte archéologique

Fig. 1 Vue en direction du nord-ouest sur la zone de fouille au début de l’intervention ©OCA/InSitu SA

À St-Luc, les trouvailles fortuites et les vestiges mis au jour lors d’interventions archéologiques attestent de l’existence de plusieurs occupations dès le 4ème millénaire av. J.-C.

Quelques sites archéologiques sont connus dans les environs de St-Luc:

  • Des pierres à cupules, comme la « Pierre des Sauvages », sont documentées dans la forêt au-dessus du village.
  • Des tombes de l’âge du Fer et de l’époque romaine ont été trouvées lors de l’agrandissement de l’hôtel Bella Tola de 1887 à 1889.
  • Un campement ou un point de contrôle militaire romain du 1er siècle av. J.-C. a récemment été fouillé sur un replat de la face sud du Toûno à 2760 m d’altitude.

Les découvertes archéologiques

Fig. 2 Vue en direction du sud sur la zone de fouille au début de l’intervention ©OCA/InSitu SA

Datations

L’ensemble du matériel découvert comprend plus de 800 numéros d’inventaire: des tessons de céramique, des pièces métalliques, des fragments de pierre ollaire, des os et d’autres prélèvements organiques (charbons de bois, graines).

Provenant d’une couche qui n’est plus en place, une datation au 14C pourrait indiquer une fréquentation du site dès le Néolithique moyen (4000 à 3800 av. J.-C.).

Un fragment d’«anneau de cheville valaisan » montre des décorations circulaires sur sa face extérieure portées par les femmes des tribus celtiques du Valais central et du Haut-Valais, ces parures devaient représenter une charge identitaire très forte. Sa présence permet d’assurer une fréquentation du site au moins dès le premier âge du Fer. Cette hypothèse est corroborée par l’existence de débris épars de céramique de la même période.

Des récipients d’importation, tel qu’un gobelet en terre sigillée (céramique recouverte d’un engobe à l’argile très fine), proviennent des ateliers de la Graufesenque en Gaule du sud (Millau, Aveyron, France). Ils indiquent une occupation du site à la fin du 1er siècle de notre ère. Cet atelier de poterie est l’un des plus importants de l’Empire romain.

De la céramique régionale (pot et jatte en céramique commune, gobelet bilobé en céramique à revêtement argileux) est datée du 3ème siècle apr. J.-C.

Une fibule à arc émaillé (sorte de broche) remonte à la première moitié du 2ème siècle apr. J.-C.

Fig. 3 Coupe stratigraphique, vue en direction du Grand Hôtel du Cervin (nord-ouest), idem Fig. 1 ©OCA/InSitu SA

PROTOHISTOIRE – Des terrasses pour l’agriculture

Fig. 4 Terrasses agricoles abandonnées au bas de la Barma (Tsandijèc) St-Luc, au nord du village ©Lambert Zufferey

Les plus anciens vestiges sont des murs de terrasse en pierres sèches aménageant la pente. Ils témoignent du développement précoce d’une économie agropastorale en montagne durant la protohistoire (2200 à 30 av. J.-C.).

En 2018-2019, des fouilles conduites à Grimentz ont permis de mettre au jour des terrasses datant de la transition de l’âge du Bronze ancien et moyen (1600 à 1500 av. J.-C.).

Les premiers états de celles de St-Luc pourraient également dater de cette période.

Fig. 4 Terrasses agricoles abandonnées au bas de la Barma (Tsandijèc) St-Luc, au nord du village ©Lambert Zufferey

Époque romaine

Fig. 5 Vue en direction du nord des vestiges du bâtiment est (Fig. 6) ©OCA/InSitu SA

Un habitat en bois et torchis

Fig. 6 Au nord-ouest, la première terrasse avec le bâtiment ouest et, au sud-est, la deuxième terrasse avec le bâtiment est ©OCA/InSitu SA

À l’époque romaine (30 av. à 450 apr. J.-C.), les terrasses sont agrandies pour accueillir des habitations (Fig. 5-6). Celles-ci ont été reconstruites plusieurs fois, en raison de leurs expositions aux incendies, aux ruissellements et aux glissements de terrain.

L’une des maisons les plus récentes (bâtiment est, 3ème siècle apr. J.-C.) mesure 5 m sur 7,5 m (Fig, 5-10). Elle est dotée d’un plancher et d’un foyer (Fig, 5-6, 11). L’incendie de cette habitation a permis de restituer les éléments de son architecture en terre et en bois (Fig. 7-10).

Détails de la construction des sablières basses du bâtiment est

Fig. 7 La sablière carbonisée (1) encore en place (photo angle nord-est, vue en direction du sud-ouest) ©OCA/InSitu SA

Fig. 8 Le solin (4) soutenant une sablière disparue (photo angle sud-est) ©OCA/InSitu SA

Fig. 9 Agrandissement des restes de la sablière (1) avec le négatif de l’encoche de fixation pour un montant ©OCA/InSitu SA

Une maison de montagne à colombages (bâtiment est)

Fig. 10 Vue en direction du nord de la reconstitution des élévations du bâtiment est ©OCA/InSitu SA

1. Sablières basses: poutres disposées sur des pierres servant de base au bâtiment
2. Colombes: poteaux verticaux
3. Torchis sur clayonnage: branches entremêlées recouvertes de terre
4. Solin: muret soutenant l’élévation d’un bâtiment, afin de l’isoler de l’humidité du sol

Fig. 11 À gauche, coffre en bois semi-enterré et à droite, foyer de dalles de pierre à même le sol dans le bâtiment est ©OCA/InSitu SA

Fig. 12 Féveroles, photo prise au microscope ©OCA/InSitu SA

Une alimentation durable

Les six kilos de macrorestes (Fig. 12), provenant du bâtiment oriental incendié, sont composés de féveroles (légumineuses plus petites que les fèves) et de quelques vesces communes (légumineuses consommées dès le Néolithique, aujourd’hui plante fourragère) avec des pois et de l’orge en faible quantité.

Des restes de coques de noix ont été trouvés dans la couche de destruction (couche contenant les débris de la construction détruite par un incendie).

Des coffres (Fig. 11) et des fosses étaient utilisés pour stocker des aliments ou des matériaux.

Un habitat romain permanent parmi les plus hauts du Valais

Les découvertes du Grand Hôtel du Cervin à St-Luc se situent probablement en limite nord-ouest d’une agglomération se prolongeant vers le sud-est, soit sous l’ancien noyau villageois, en direction de l’église.

Ces habitations correspondent aux premiers indices sur l’emplacement de l’ancien village de St-Luc.

Ces découvertes sont d’autant plus remarquables que peu de vestiges du passé étaient jusqu’alors attestés dans cette zone. Ce secteur largement bâti ne laisse guère d’opportunités pour de nouvelles investigations d’une aussi grande surface.

Rédaction: Amis du Grand Hôtel du Cervin
Sur la base de travaux de Manuel Andereggen (InSitu archéologie SA)
Relecture: Romain Andenmatten (Office cantonal d’archéologie)
Graphisme: Chab Lathion

Avec le soutien de:

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